Mercredi 6 mai 2009 à 23:49

Je dors mal, j'ai un sommeil agité, troublé, et surtout non réparateur. A cela s'ajoute cette femme, qui ne vit que dans mes rêves, et qui est là presque tous les soirs. Une brune, belle, qui ne me veut aucun mal. Elle ne dit jamais rien, elle ne fait jamais rien, je rêve d'elle, je la regarde, elle me touche parfois, m'embrasse quand bon lui semble, elle n'a ni prénom, ni voix, elle me repose, m'endors dans mon rêve. C'est elle, la paix que je chercher tous les jours, c'est elle qui me réveille et me laisse vivre une journée dans une tranquillité qu'il m'est rare d'atteindre depuis environ un an. C'est ce que je disais à une amie, ou ce que je tentais de lui expliquer, ma notion du bonheur. Certains recherchent une satisfaction pleine et totale de tous leurs désirs, comme condition au bonheur, je ne vois pas les choses comme ça. Le bonheur, ce n'est ni le plaisir, ni la tristesse, c'est l'absence même de peine ou de joie, c'est l'ataraxie, c'est l'oubli, c'est cet instant suprême et parfait où on peut proférer en le pensant sincèrement, sans dépression aucun: je pourrais mourir aujourd'hui.

"

Vous. Vous savez, je vous apprécie.

Je le sais, et je le sais même trop. Vous me dévorez des yeux à chaque instant où je détourne les miens. Je vous regarde, vous admire parfois, mais que voulez-vous entendre de ma bouche?

Rien.

Rien, et c'est effectivement de ce rien dont je parle. Pendant que d'autres, incapables de distinguer l'amour de leurs besoins, quémandent à celui ou à celle qu'ils sont sensés aimer, de faire pour eux ce qu'ils pourraient exiger d'une mère ou d'un ami, le peu que vous semblez vouloir de moi se résume à ma présence et à ma discussion. Nous ne pourrions guère être un couple, car de ma fidélité, de ma gentillesse, de ma féminité, vous ne sauriez quoi en faire et n'en profiteriez qu'aux moments où je vous y autoriserais. Vous voyez en chaque femme une madone, une icône, une figure respectable de la nature, quand vous même, êtes bien plus apte à être l'objet  d'un tel jugement.

Vous pensez trouver en moi cet idéal qui vous perturbe tant, cette paix, alors que je ne suis qu'une femme, et bien que nous ayons le même âge, je suis bien trop vieille pour vous. Le temps rend les femmes difficiles et inutiles, lorsque notre corps décide de se manifester et ainsi de se distinguer d'une masculinité enfantine, il en est fini de toutes nos chances. Nous pouvons tenter de retarder ce processus, mais il est inévitable et surtout irréversible. Les hommes sont inconstants par nature: vous changez de personnalité, de femme, de métier, de voiture, ne regrettant que peu ou pas du tout. Les femmes en sont encore à ce stade primaire, animal, instinctif.

Une fois enfermées dans notre propre prison d'oestrogènes, rien ne nous permet d'en sortir, et chaque tentative nous cloitre davantage. Plus nos formes s'affirment et plus nos protubérances de toutes sortes deviennent voyantes, moins nous sommes douées de raison. Lorsque nous sommes en âge de faire l'amour - biologiquement évidemment, car les bonnes moeurs ou les instructions maternelles n'ont que peu d'impact - nous trouvons un nouveau moyen d'arrêter toute réflexion, au profit d'un désir insatiable et pesant. Certaines se perdent dans des histoires d'un soir, quand d'autres s'attachent et se détruisent. Bien que l'adolescence ne soit qu'une passade, le pire est à venir.

Si nous croyons encore en l'amour, nous nous obstinerons dans une voie incertaine, et tenterons de nous laver de nos péchés en frustrant les désirs des autres. Sinon, nous continuons à faire de notre amour ce papillon, vivant quelques jours, tentants parfois de lutter pour survivre, et finalement mourir en total connaissance de cause. Puis arrive ce moment où nous perdons définitivement notre essence, voire même, ce qui pourrait faire de nous les égales des hommes : la maternité. Nous sommes alors un vulgaire animal en période de gestation, soumis à ses hormones, ne vivant que pour se nourrir et voir son enfant naitre. Le pire arrive enfin, après la naissance nous ne sommes plus que des mères, nous nous rendons esclaves des responsabilités et de notre instinct, nous nous plaisons à entendre: "tu as l'instinct maternel!" Nous devenons fières d'être des animaux, nous le renvendiquons comme un droit. Quel bien y a t-il à être une bête, incapable d'une quelconque réflexion poussée. Nous ne sommes plus rien. Voilà pourquoi nous nous attachons tant à ce que nous avons mis au monde, car c'est bel et bien notre dernier travail sur terre: l'éducation.

Vous n'avez rien compris à cette idée. Vous n'espérez même pas, vous croyez qu'une alternative est possible, alors que c'est uniquement l'ordre naturel des choses. La femme portera toujours en elle ce gène, cette marque de la nature qui l'apparentra plus à une femelle qu'à une humaine ; quand l'homme part, rompt toute relation avec le monde qui l'entoure, pour se terrer dans la montagne, pour vivre en ermite, il est plus humain qu'elle. Vous prenez ce caractère typiquement féminin pour une force, une garantie de sauvegarde, alors que cela n'engage et n'amène qu'un amoindrissement intellectuel de la population, l'asservissement des hommes dans une société réputée égalitaire. Partez, je vous en pris, partez avant que nous nous aimions, avant que votre esprit soit gâché par mon amour et mes reproches.

"

Ce qui m'intrigue le plus chez cette femme, c'est son sourire. Elle sourit, et lorsqu'elle pose la main sur moi, elle me glace, me transporte. Ce n'est pas un rêve comme on l'imagine, ou comme on les fait habituellement. Je sais que je rêve, je sais que ce n'est pas la réalité, et que cette femme n'existe pas, pourtant je l'admire, elle semble vouloir me dire quelque chose. Un mot, une réponse, un ordre. Elle ne dit rien, et m'endort. Je n'ai jamais aussi mal dormis de ma vie ; je n'ai jamais autant rêvé d'une femme de ma vie.

Broute-minou.

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