Mardi 14 avril 2009 à 2:16

"

Arrêtons un instant, vous m'entendez, un seul instant, je dois vous dire exactement ce que je pense maintenant ; que cela résolve notre problème ou non, là n'est pas l'important. C'est simplement notre toute dernière chance, après tant de temps perdu, c'est ce en quoi je place mon dernier espoir. Je m'épuise depuis des mois, vous aussi, et cela ne mène à rien, nous cherchons sans jamais rien trouver, ce qui aggrave encore notre situation. Soyons réalistes, c'est l'acte final, le dénouement qui se joue sous nos yeux, et c'est à nous de choisir qui mourra, ou qui vivra. A nous, pas à moi, pas à vous, à nous. Je sais que c'est radical, et la décision venant de moi vous pousse à refuser cette alternative, mais réfléchissez, nous nous offrons dans tous les cas la liberté, ou un avancement certain. Je ne peux plus persévérer dans cette état des choses, ce n'est pas moi, ce n'est plus moi. Je n'avais jamais pensé pouvoir en arriver là un jour, et c'est le cas pourtant. Prenez ça comme un dilemme, il n'y d'échappatoire qu'un choix, quel qu'il soit.

Je tenais d'abord à vous prévenir, tout ce que j'ai à vous dire va sûrement prendre un temps considérable, donc soyons clairs, si vous en avez que faire de ma proposition, allez vous en et nous resterons dans cette situation indéfiniment, sinon, écoutez-moi, et taisez-vous.

Cela me tient à coeur de commencer par le début, je ne veux pas me perdre dans une nostalgie hors-propos, ni même dans une mélancolie vis à vis du passé, je serais concise, mais il y a des points sur lesquels je tiens vraiment à revenir. Passons donc cette période de notre rencontre, et les quelques mois qui ont suivis, nous étions trop jeunes et encore trop naïfs. Partons de la deuxième année: nous étions encore soudés, passionnés plus qu'amoureux, et nous voyions en l'autre cette chance, cette unique chance que personne d'autre ne pouvait nous offrir. Je m'avance sûrement en vous incluant, car avec le temps j'ai bien découvert que les vérités que vous me chuchotiez à l'oreille étaient aussi importantes à vos yeux que les hommes avec qui je vous trompais. Ne faisons pas les innocents, nous avons tous commis des crimes, des péchés, des actes mauvais, et pourtant nous en sommes toujours au même point. Le souvenir qui a de l'importance aujourd'hui, c'est celui de ma profonde conviction en vous, et dans la chance que vous me laissiez apercevoir. Nous savons que les autres hommes que j'ai pu connaitre ne m'ont laissé de choix que celui de me soumettre aux leurs, mais dans ces années avec vous, je voyais réellement un avenir simple se dessiner, un avenir qui aurait mis mes anciens préjugés et rêves au placard. Vous croyiez que je n'avais pas changé, que je restais la même: avec d'autres vues sur les hommes, avec d'autres vues sur le monde, désintéressée du moindre évènement mondial. Vous aviez raison sur tous ces points, mais pour moi, j'avais changé bien au-delà de tous ces détails. Quoi que vous me proposiez, quoi que nous puissions vivre ensemble dans un avenir difficile, loin de toute fastuosité, de tout rêve errant normalement dans l'esprit d'une petite fille ou d'une femme, je l'aurais accepté sans rechigner, sans me plaindre, voire même en appréciant cela plus que tout le reste, puisque j'étais à vos côtés. C'était le changement le plus important de ma vie, que vous remarquiez à peine.

Les années passaient, notre relation s'affermissait, elle devenait non pas sérieuse au sens où on l'entend étant enfant, mais elle se construisait de projets, d'actions, ayant pour effet de me conforter dans cette perspective: celle de passer le reste de mes jours avec vous. Encore une fois, passons outre le fait de multiples divergences d'opinion sur différentes situations, nous les avons vécues, et vaincues, avec le temps. Rien ne semblait obombrer cette vie multiple qu'il me semblait presque toucher du doigt. Tout se déroulait presque sans encombre, nous réalisions ce que nous voulions, nous nous rapprochions de plus en plus, jusqu'à vivre ensemble. Tout n'était pas parfait, mais le reste n'avait pas d'importance pour moi, tant que nous partagions la même chambre et le même lit la nuit. Malgré l'état actuel des choses, je dois reconnaitre que je n'ai jamais connu un tel amour, une telle paix, comparable à ces moments avec vous. J'aurais pu refuser de voir le monde entier, j'aurais été capable de n'importe quoi pour faire perdurer ce qui me sauvait des troubles de mon ancienne vie. J'étais heureuse, et ce au sens où j'entends ce terme : je vivais sans honte, sans remords, et sans regret. Je craignais parfois un arrêt trop brutal, une fin fatidique, tout me paraissait si parfait, que la justice divine devait bien reprendre ce qui lui appartenait de droit. Alors commença la rechute.

Il est trop aisé de vous accuser de tout, mais il m'est difficile d'admettre mon entière culpabilité vis à vis de cela. Les jours passaient, vous vous occupiez de moins en moins de moi, vous sembliez préoccupé, troublé constamment, et jamais vous ne fournissiez d'explication. Vous rentriez à trois heures du matin, sans que je ne sache où vous étiez, vous n'écoutiez jamais mes conseils, mes mots doux, mes plaintes, comme vous le faisiez auparavant. Je ne voulais en rien perturber le sentiment que j'éprouvais pour notre relation, alors je me suis tue, et je m'y suis soustraite. Les mois passaient et se ressemblaient davantage, oh bien sûr nous sortions, nous faisions l'amour, mais je n'étais pour vous qu'une femme, qu'un simple être pourvu d'un vagin et d'un don réconfortant. Vous disiez encore que vous me trouviez belle, mais dans vos yeux rayonnait une lueur autre que celle de l'amour aveugle. Vous étiez alors à mes yeux, un homme, et rien d'autre, cet homme que l'on rencontre dans la rue, dont on s'entiche un soir, mais une fois avoir couché avec lui, ne possède plus aucun intérêt. Vous étiez mon voisin, mon épicier, mon docteur, vous n'étiez personne. Cela n'avait aucun rapport avec votre travail, l'argent que vous rapportiez, mais uniquement avec qui vous étiez, spirituellement.

Nous en sommes ici aujourd'hui, à ne plus savoir quoi nous dire, à nous réconcilier en faisant l'amour. Nous ne nous affrontons même pas, vous êtes d'un passif à toute épreuve, quoi que je fasse, quoi que je dise, vous semblez distant, distrait, comme si vous en aimiez une autre. Vous voilà devenu l'antagoniste même de qui vous étiez, de la personne que j'aimais. Je

- Vous sombrez dans la nostalgie, arrêtez-vous là.

Si je comprends bien, je dois au moins vous expliquer pourquoi ou comment j'en suis arrivé là, les raisons, les causes, ce genre de choses. Ce serait long et coûteux, à tout vous dire, l'envie ne m'en prend pas, m'étendre sur des choses qui m'ont tellement attristé serait d'un misérabilisme pitoyable. Après quelques réflexions, j'ai vite trouvé ce qui a pu nous amener à en arriver là: notre manque commun pour comprendre l'autre. Vous voyiez en moi une solution, la perspective d'une vie meilleure, quand moi-même, de mon reflet je n'avais qu'une mauvaise opinion. Jamais vous n'avez explicitez ce que vous ressentiez, et là j'ose l'avouer, je trouvais ça d'une stupidité purement féminine. Vous me considériez comme un sauveur, je devais être là pour absoudre vos péchés et vous guider loin de la vallée d'ombre et de la mort semée d'embûches que fait surgir sans fin l'oeuvre du malin. Qui vous a dit que je voulais être ce sauveur? Vous avez gâchez nos plus beaux moments, nos premières années, ces instants de pure fantaisie, de pure naïveté, en m'imposant ce rôle, celui d'être un homme droit, sans reproche, sans doute, et vous vous réjouissiez de me voir chuter pour que je sois enfin votre égal. Vous vouliez de moi que je vous pardonne tout ce que vous aviez fait avant que nous nous connaissions, et j'ai réussi, presque aisément. Puis vous vouliez de moi que je vous pardonne tout ce que vous faisiez, cette souffrance que vous m'infligiez, en vous en rendant évidemment compte. J'ai dû passer outre, oublier, fermer les yeux, pour vous aimer. Je n'ai fait que cela toute ma vie, passer outre les reproches que vous me disiez, passer outre les défauts que vous me trouviez, passer outre les mensonges que vous profériez. Vous vouliez le paradis, en me faisant vivre l'enfer, vous vouliez la facilité, en m'obligeant la difficulté ; je me suis forcé à résister, à y croire, le plus longtemps que j'ai pu, puis j'ai abandonné. Jamais vous ne m'avez compris.

- Aujourd'hui, je vous comprends.

"

Aucun commentaire n'a encore été ajouté !
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

La discussion continue ailleurs...

Pour faire un rétrolien sur cet article :
http://cestpasmafaute.cowblog.fr/trackback/2824919

 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast