Mardi 24 mars 2009 à 0:31



Alors, je toque. Je toque à la porte et j'attends, inlassablement j'attends que l'on vienne m'ouvrir. Je toque encore une fois, car il n'y a toujours pas de sonnette. Il y a de la vie dans la maison, des lumières s'allument la nuit, les fleurs poussent car elles sont arrosées, le courrier ne s'amoncèle pas dans la boite aux lettres, il y a des jouets dans le jardin, j'en déduis alors la présence d'enfants. Pourtant, depuis vingt deux ans, je viens toquer à cette même porte, à la même heure, tous les matins, et ce jusqu'au soir. Jamais personne ne m'a ouvert, et jamais personne ne m'a renvoyé chez moi. Je sais que je toque, je sais très bien que mon poing émet un son sur la porte en bois, pourtant, personne n'ouvre, ni ne vient ouvrir ou regarder par le Judas, ou derrière le rideau. Ils ont prit, eux aussi, l'habitude que je toque. Personne ne sort jamais de cette maison, ou tout du moins, je n'ai jamais vu personne en sortir. je suis là à l'aube, jusqu'au coucher total du soleil. Je toque, j'attends sans impatience. J'aime attendre, c'est encore ce que je fais de mieux depuis vingt deux ans. Ils ne peuvent pas vivre la nuit, les enfants doivent bien aller à l'école, ils doivent bien acheter à manger, sortir au cinéma, partir en week-end. Pourtant, depuis vingt deux ans que je viens, presque rien n'a changé. Le lierre au mur est toujours aussi vert, les tulipes toujours aussi jaunes, et l'herbe toujours aussi rase. Même lorsque les saisons changent. Ils font du bruit, ils parlent, mais je ne perçois que des sons indistincts. Un jour j'ai décidé de ne pas toquer, et ainsi de prendre une autre route que celle qui me mène à cette maison, sur la route j'ai rencontré quelqu'un qui m'a affirmé qu'il avait vu, aujourd'hui même, et pour la première fois, une femme sortir de la maison, avec son mari, et leurs enfants, l'air heureux, et qu'ils les emmenaient sans nul doute à l'école. Je suis donc revenu devant la maison, et j'ai toqué. Il n'y avait l'air d'avoir personne. Les jouets étaient rangés, les vitres propres, le lierre légèrement taillé, l'herbe avait poussé, et la voiture n'était pas là. J'ai toqué, jusqu'au soir, et même durant toute la nuit j'ai toqué. Personne n'a ouvert ou émis de plainte. Je suis rentré chez moi pour recommencer le lendemain, et cette fois-ci sans prendre un autre chemin, parce que c'était peut être aujourd'hui que la femme allait ressortir avec sa famille. C'était il y a douze ans. Depuis dix ans, personne n'est jamais ressortit et je n'ai jamais emprunté un autre chemin. La maison reste intacte, tout le reste aussi. A force, sur la porte, s'est créée une marque, celle de ma main qui toque tous les jours, des centaines de fois, durant des heures.

Mais voilà pourquoi, jeune inconnu acharné, personne ne t'ouvre:

Car la porte sur laquelle tu toques sonne creux. Elle résonne dans le vide, dans le néant. Tu frappes, tu frappes, de toutes tes forces, avec l'acharnement qui vient d'années en années, avec ta volonté, avec tout le désir que tu peux avoir pour qu'on t'ouvre. Tout reste creux, vide de tout sens: tu empruntes le même chemin, sans jamais chercher à ce qu'il t'appartienne. Tu n'arrives pas à admettre que les gens que tu aimes puissent vivre indépendamment de toi. Tu n'arrives pas à admettre que ta mère soit morte, que ton premier amour soit partit avec un homme au Paraguay, en Uruguay. Que ta femme aime un autre homme, que ton fils aime un autre père, que ta fille aime un autre homme. Tu marches sur les mêmes pavés depuis deux décennies sans jamais les regarder. Tu ne sais pas où tu mets les pieds, tu ne sais jamais où tu vas, même en allant, chaque jour, au même endroit. Tu te sens simplement obligé de t'y rendre, parce que c'est ce que tu désires. Mais tu as oublié d'apprendre à désirer. Tu souhaites seulement la discontinuité, l'impossibilité des êtres. Si tu étais en vie, tu voudrais mourir. Tu suis tes désirs en pensant que ce sont des ordres de ton âme, et que tous les désirs se doivent d'être assouvis pour réussir. Tes désirs font désordre dans la rue, car chaque jour depuis vingt deux années, tu croises les mêmes personnes sans le savoir, tu croises ceux qui habitent cette maison, tu ne les vois pas. L'unique personne avec qui tu as parlé depuis vingt deux ans, habite elle aussi dans cette maison, mais ça tu ne l'avais même pas compris, simplement parce que tu ne voulais pas le comprendre. Pour une fois, tu avais choisis de suivre le chemin que tu devais suivre, et non celui que tu voulais suivre. Tu n'as pas écouté ta raison ni tes désirs, mais juste la vérité. A s'attacher au faux on s'éprend du malheur et de l'invraisemblable. Tu toques aujourd'hui, et toi comme moi, nous savons que tu toqueras demain, en sachant qu'il n'y aura personne pour t'ouvrir. Tu n'as même jamais eu l'idée de tourner la poignée pour ouvrir, de toutes manières, tu ne veux pas que quelqu'un t'ouvre, tu ne veux pas rentrer. Tu sais ce que tu verras dans cette maison. Tu verras ton esprit, tu verras ton intérieur. Tu verras le vide, l'absence d'existence ordonnée, tu verras l'absence même de vie, l'absence même de réalisme. Rien ne change, parce que tu ne veux pas voir le changement qui s'opère. Il n'y pas de changement dans le faux. La maison est en plastique et ta vie aussi. Tu suis tes désirs qui pavent la route jusqu'à cette rue, tu les regardes de haut en les admirant ; en leur vouant un culte, car ils te mènent par le bout de l'âme. En ton âme et conscience, tu n'espères plus, car trop déçu d'une vie réaliste et solitaire ; tu ne sais pas que l'amour existe, tu ne sais plus que les gens s'aiment parfois, et qu'ils tiennent, et qu'ils tiennent face aux vingt deux années. Eux aussi, ont décidé de suivre un jour le chemin des rêves, jusqu'à voir, jusqu'à comprendre, que les rêves accrochés au sol, ils marchaient dessus. Ca non plus tu ne veux pas le voir,tu pense que ça ne changerait rien à ta vie, que plus rien ne peut changer ta vie. Inscrit dans ton microcosme, dans ta bulle, les autres ne sont rien s'ils n'ont pas de rapport à ton désir. Toute ta vie tu as fais ce que tu voulais, ce dont tu avais envie, tu n'as pas suivit tes intuitions, tu as bêlé derrière tes désirs qui dirigeaient le troupeau de ton corps et de ton âme. Plus rien ne changera ton coeur Petit Homme, plus rien ne changera ton âme Petit Homme. Tu ne le veux plus, tu ne le peux plus. Tu es fais de pierre et de bronze, le soleil la pluie la lune ne pourront rien changer à tes humeurs. Tu n'es jamais heureux et jamais triste, tu n'es rien. Tu ne ressens plus rien Petit Homme, tu ne crois plus en rien. Tu suis aveuglement ce que tu veux, et tu aimes: tu crois te démarquer des autres, en oubliant que faire tout ce que l'on désire n'a mené, ne mène, et ne mènera jamais à rien. Tu es libre Petit Homme, libre comme personne, mais tu n'es rien petit homme, rien comme personne. Le bord des trottoirs est affuté, rasant et tranchant en leur bout tes rêves qui se laissent couler jusqu'au égoûts pour tenter de te montrer que les désirs finissent souvent dans le caniveau. Petit Homme n'apprend pas à limiter tes désirs, car rêver est l'unique liberté sans fin, sans but. Tu as besoin de voir le monde dans son entité, de voir la Terre et non ta terre, de voir les hommes et non toi le seul homme, de voir la vie et non ta vie, de voir la nature et non ta nature. Tu devras te lever un matin, et espérer l'amour, l'espérer du plus profond de ton âme, l'espérer de ta raison, de ce qui doit être fait, accompli comme l'aboutissement d'une vie. Fonder une famille sans amour est comme vivre une vie sans contrainte, elle court à la perdition et à l'absence même de raison d'être. Tu n'es pas malheureux puisque tu fais ce que tu veux, tu n'es pas heureux car tu sais que ce que tu fais ne t'apporte que le faux, c'est un miroir que tu vois devant tes yeux et tu apprécies. Tu apprécies l'image constante que te renvois le monde. Pourtant Petit Homme, il existe dans les rues six milliards d'êtres que tu croises et que tu ignores, six milliards d'êtres qui chaque jour se contraignent à une vie dure, de labeur, de souffrance et d'amour. Qui se contraignent à vivre. Tu les ignores pour ne pas voir qu'ils ont raison, tous ces gens, de souffrir leur amour, de souffrir leur peine, et de se faire violence face à la facilité des envies. Réaliser ses rêves c'est se fuir, c'est fuir sa vie et tout ce qu'elle représente. Tu ne dois pas réclamer la peine ni la souffrance Petit Homme, tu dois l'accepter, la prendre comme elle est, et l'avaler d'un trait. Même si tu sais que cette fois la pilule ne passera pas, ce n'est pas pour autant que tu enfanteras des haines absolues ni des destructions de ton être. Toute peine se comble, toute tristesse se noie, et un jour Petit Homme, tu seras heureux, sans même savoir pourquoi, simplement, heureux, sans d'autre raison que celle de l'être sans raison.

Petit Homme un jour deviendra grand
Des espoirs déçus naitront des amours violents
Des peines de coeur, un apprentissage.
Un jour Petit Homme tu auras l'âge.

L'âge de jouer dans la cours des grands
Celle pleine de rêves et d'idées d'enfants.
Tu ne seras pas dupe, seulement sage
De croire à la raison, d'y croire sans rage.

Il faut admettre et s'incliner
Pour vivre et pouvoir aimer
Faire des compromis et y croire
Aux passions, à ton histoire.

Arrêter de réaliser ses désirs
De croire à l'unique plaisir
Le vrai n'existe pas dans le beau
Ce qui est doux et bon n'est que faux.

Le monde te parait parfois coloré
Accueillant et animé
C'est l'image que tu lui donnes
Il faudrait que tu te pardonnes.

Ce n'est pas ta faute
Il faut se l'avouer
Tu ne l'as pas demandée
Cette vie sans hôte.

Petit Homme ta mère est morte
Ton chien dort et ta femme pleure
Petit homme arrête toi et compte les heures
Ne toque plus à cette porte.


Ce
N'est

Pas
Ma
Faute.

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